Episode 3 

– Je vous propose, maintenant de faire un peu de pratique. Reprenez la posture de méditation décrite dans l’épisode 1. Le dos droit, tête légèrement penchée vers l’avant, mâchoires, épaules détendues. Une posture ferme et confortable.

– Excuse-moi Juliette… c’est vrai que c’est un colloque autour de la méditation mais j’ai besoin de questionner quelque chose, je peux ?

– ça ne peut pas attendre ?

– Je pense que c’est le bon moment.

– Alors, on t’écoute.

– Nous nous sentons seuls. Notre confinement, je veux dire… déjà seuls, c’est vrai, non ? On est chacun chez nous, c’est pas facile… crois-tu que de nous retrouver en méditation, encore plus coupés des autres est une bonne chose ?

– Super ! Merci… comment t’appelles-tu ?

– Louis.

– C’est bien ça, Louis !

– Pourquoi « c’est bien » ?

– Aucune importance ! Oui… donc, la solitude. D’accord, parlons un instant avant de nous taire et de nous entraîner.

Débattons ! Lançons des arguments ! Oui ne parlons pas bêtement, mollement. Battons-nous avec des arguments ! Je vais arbitrer les échanges.

La question est la suivante : Méditer est-ce un acte égocentrique ? Ou dit autrement : en quoi la méditation peut nous enfermer davantage dans nos solitudes ?

Allons-y ! On n’est pas là pour faire de la pub pour la méditation, on est là pour avancer… seuls et tous ensemble. Allez ! Mettons le sujet sur la table !

– Je m’appelle Laura.

– On ne va pas donner les prénoms à chaque fois… dis ce que tu as à dire, Laura.

– Je suis quelqu’un de très sociable. J’ai beaucoup de mal à rester seule, j’ai toujours été comme cela, même quand j’étais enfant. Je suis là parce qu’une de mes amies m’a dit de venir… comme je ne peux rien faire en ce moment et que je me sens seule, je suis là ! J’ai du mal avec la solitude et en plus je suis hyperactive, alors vous voyez… je ne suis pas vraiment prédestinée à la méditation ! Il n’est pas difficile pour moi de trouver des arguments pour dire que c’est quelque chose qui enferme. Pour moi, le lien social est primordial. Et, il doit passer avant le reste. Dire que la solution est de ne plus rien faire est même un argument dangereux !

– On n’a jamais dit ça ! Que la solution est de ne rien faire ! Quelqu’un a dit ça ?… Peut-être que la méditation n’est pas faite pour toi !

– Avançons Louis, Laura… lançons des arguments ! Allez !

– Dangereux pour la société ? Je trouve que notre société est dans un fonctionnement fou de trop de communications, de trop de liens fictifs. Se taire, arrêter un peu ce tourbillon ne peut être que bénéfique…

– Oui bon… on l’entend partout ça ! La société évolue, c’est comme ça, il suffit de garder le contact, le vrai contact.

– c’est quoi ce lien dont on parle ? J’ai l’intuition qu’on parle de la même chose, Laura… Excusez-moi je parle un peu de moi… je m’appelle Ali et je médite depuis de nombreuses années. Ça ne m’empêche pas d’être sur les réseaux sociaux, d’avoir un téléphone portable, je suis même bénévole dans une association. Mais, il faut que je médite tous les jours pour ne pas m’enfermer dans ce lien superficiel qu’on met en place très facilement… un lien qui nous fragilise au lieu de nous apaiser. Nous sommes naturellement liés les uns aux autres. Communiquer beaucoup réveille en moi l’idée que j’ai besoin de cela pour être lié aux autres et ça m’angoisse !

– Nous sommes des êtres sociaux Ali, c’est comme ça, on ne peut rien y faire ! Personne n’a prouvé qu’on a besoin de la méditation pour aller bien alors que les vrais liens sont essentiels à notre bien-être !

– Pourquoi on oppose l’un à l’autre ? Comme si on faisait ça toute la journée « méditer » ! La vraie question, c’est « comment ne pas en faire un exercice égocentrique » ? Car ça peut l’être si on se prend pour…

– Un être éveillé ! Excusez-moi, comme je vous l’ai dit tout à l’heure, je médite depuis longtemps déjà et la sensation d’isolement s’apaise avec la pratique. Pour moi, c’est une preuve que notre esprit est naturellement relié aux autres. Plus ça va et plus la réalité apparaît en quelque sorte. D’ailleurs, le virus nous démontre d’une manière très concrète cette réalité. Nous sommes interdépendants. Nous faisons partie de la même espèce physiquement. Psychiquement, c’est la même chose.

– Mais la méditation se pratique forcément assis ? Je veux dire… on ne peut pas s’entrainer à être plus présent, en présence des autres ?

– Ben… j’sais pas… Juliette ? Pourquoi tu ne dis rien depuis tout à l’heure ?

– Présente !… L’objectif n’est pas de rester assis toute la journée, non ! Mais l’objectif est bien de modifier son quotidien, le lien avec soi-même et évidemment avec les autres. Bien sûr ! Sinon ça servirait à quoi ? Quand tu fais du vélo d’appartement dans une salle de sport, le but ce n’est pas de rester toute la journée, enfermé sur ta machine pour rester en forme ?! Le but est de te sentir mieux quand tu joues avec tes enfants ou quand tu te ballades MAIS aussi de te créer des conditions pour être en meilleure santé pour l’avenir.

– Et, en quoi le fait de rester assis et seul face à soi-même peut modifier nos liens ?

– 15 minutes. Reprenez la position. Dos droit. Vous relâchez tout ce qui n’a pas besoin de travailler et vous respirez, les amis ! Vous lâchez la bataille des arguments. Le mental continue sa gué-guerre, laissez-le faire ! Tout tourne en vous, tout bouge. Et vous, vous respirez. Le lien du dedans au dehors se fait malgré vous. Avec cet air qui entre et qui sort. Pas besoin de maîtriser cela. C’est naturel. Observez cela. Juste observez cela.

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